Le 27 juin 2025 restera une date marquante pour la profession infirmière française. Ce jour-là, l’Assemblée nationale a définitivement adopté la LOI n° 2025-581, un texte qui bouleverse l’architecture traditionnelle des soins de premier recours en France.
Une reconnaissance attendue par la profession
Après des années de débats et de revendications professionnelles, les infirmiers obtiennent une reconnaissance législative de leur expertise clinique. La loi inscrit noir sur blanc la consultation et le diagnostic infirmiers, mettant fin à des décennies d’ambiguïté juridique sur l’étendue de leurs compétences.
Cette évolution s’inscrit dans un contexte de pénurie médicale croissante et de réorganisation des parcours de soins. Les pouvoirs publics ont fait le choix de miser sur une meilleure utilisation des compétences infirmières pour améliorer l’accès aux soins, particulièrement dans les territoires sous-dotés.
Des compétences élargies, des responsabilités accrues
Le texte autorise désormais les infirmiers à prescrire certains produits de santé et examens complémentaires, selon une liste qui sera précisée par arrêté ministériel. Cette mesure, particulièrement attendue par les professionnels exerçant en zones rurales, doit permettre une prise en charge plus fluide des patients pour des pathologies courantes.
L’administration de vaccins, jusqu’alors limitée à quelques cas spécifiques, s’étend également. Les infirmiers pourront aussi certifier des décès, une prérogative jusqu’alors exclusivement médicale dans certaines situations.
Ces nouvelles compétences s’accompagnent logiquement d’un renforcement des obligations professionnelles. La traçabilité des actes et la formation continue deviennent des impératifs renforcés, témoignant de la volonté du législateur d’encadrer strictement ces évolutions.
Une expérimentation pour tester l’accès direct
L’une des mesures les plus débattues du texte concerne l’expérimentation de l’accès direct aux soins infirmiers. Pendant trois ans, dans cinq départements pilotes (non communiqués à ce jour), les patients pourront consulter directement un infirmier pour des soins relevant de son rôle propre, sans passer par une consultation médicale préalable.
Cette expérimentation, inspirée de modèles étrangers, vise à évaluer l’impact d’une réorganisation des premiers recours. Les résultats détermineront l’opportunité d’une généralisation à l’ensemble du territoire.
Un impact majeur sur l’exercice libéral
Pour les 110 000 infirmiers libéraux français, cette loi représente un tournant majeur. La révision annoncée de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) devrait permettre la facturation de nouveaux actes, notamment la consultation infirmière.
Les professionnels devront néanmoins adapter leurs outils de gestion et leurs pratiques administratives pour intégrer ces nouvelles possibilités. Les éditeurs de logiciels médicaux travaillent d’ores et déjà sur ces adaptations.
La participation des infirmiers libéraux à la permanence des soins, désormais autorisée par décret, renforce leur intégration dans l’organisation territoriale de l’offre de soins.
Des négociations déterminantes à venir
Si la reconnaissance législative constitue une victoire symbolique importante, sa traduction financière reste à négocier. Les prochaines discussions conventionnelles avec l’Assurance Maladie seront déterminantes pour évaluer la portée réelle de cette réforme.
Les organisations professionnelles infirmières plaident pour une revalorisation significative, à la hauteur des nouvelles responsabilités confiées. De leur côté, les syndicats médicaux appellent à la vigilance sur l’articulation entre ces nouvelles compétences et le rôle traditionnel du médecin.
Faire face aux mutations du système de santé
Cette loi s’inscrit dans une transformation plus large du système de santé français, confronté au défi démographique et aux évolutions épidémiologiques. L’émergence de nouveaux métiers, la redéfinition des périmètres professionnels et l’adaptation aux besoins territoriaux dessinent les contours d’une médecine de demain.
L’enjeu des prochains mois sera de réussir la mise en œuvre opérationnelle de ces évolutions, dans un dialogue constructif entre l’ensemble des acteurs du système de soins. Car au-delà des enjeux de société, c’est bien l’amélioration de la prise en charge des patients qui constitue l’objectif commun tous les professionnels de santé.
Les décrets d’application de cette loi sont attendus dans les prochains mois pour préciser les modalités concrètes de mise en œuvre de ces nouvelles dispositions. Nous suivons tout cela de près et ne manquerons pas de vous tenir informés.